Décembre 2019
Université Paris-Dauphine
Sous la direction de Mireille Razafindrakoto et François Roubaud
Cette thèse explore l’une des sources potentielles de blocage du développement de Madagascar, qui subit une récession et des crises socio-politiques récurrentes depuis soixante ans : les relations entre les élites. L’intégration des élites est en effet considérée dans la littérature comme un élément indispensable à la stabilité des régimes démocratiques. Grâce à une base de données d’une ampleur et d’une richesse inédites, ainsi qu’à l’emploi de techniques innovantes, nous analysons la structure du réseau global des élites et montrons que le réseau élitaire est certes, globalement intégré, mais de façon très inégale. Certains groupes d’élites (notamment celles aux origines sociales les plus modestes) se trouvent en marge de ce réseau ; tandis que les élites les plus influentes et les plus avantagées socialement y occupent une place privilégiée et cultivent « l’entre-soi ». Ce type d’intégration n’a jusqu’ici jamais été décrit dans la littérature. En analysant la distribution des réseaux élitaires égocentrés, nous montrons par ailleurs que, malgré des signes perceptibles d’une certaine compensation des désavantages d’origine sociale par le réseau, ces désavantages se reflètent dans les inégalités d’accès aux réseaux élitaires. Nos résultats valident donc l’hypothèse de l’amplificationdes inégalités par le réseau, et montrent que cette amplification passe en partie par les comportements homophiles et la participation à des associations et clubs élitistes des élites les plus avantagées. Enfin, nous montrons que ces inégalités d’accès et d’intégration au réseau élitaire se traduisent par des inégalités d’accès aux positions de pouvoir les plus élevées. Le réseau élitaire est en effet l’un des déterminants principaux du niveau de pouvoir des élites, en plus de l’origine sociale. La relative exclusion de certains groupes élitaires, potentiellement déstabilisateur, du réseau des élites les plus influentes et des positions de pouvoir les plus élevées constituent une piste d’explication de la trajectoire de Madagascar.
Mots Clés : Réseaux sociaux, élites, pouvoir, Madagascar, intégration, inégalités, petit-monde, institutions, méritocratie.