DIAL

De la production domestique à la marchandisation du travail : la transition difficile des femmes au Maroc

Sara Loukili

Décembre 2023

Université Paris-Dauphine

Sous la direction de
Najat El Mekkaoui et Said Hanchane

Si les changements démographiques se produisent en même temps que la croissance économique, le passage de la production domestique à la commercialisation du travail devrait accroître le travail des femmes à la fois à la marge intensive et à la marge extensive, en particulier lorsque les économies passent de secteurs traditionnels à forte intensité de main-d’œuvre à des secteurs à forte intensité de capital humain. Le faible taux de participation des femmes au marché du travail au Maroc peut, en théorie, être attribué aux modes de production sur les marchés domestiques, ce qui explique la répartition inégale du travail rémunéré et non rémunéré entre les hommes et les femmes, ainsi qu’aux mauvaises affectations à l’échelle de l’économie, qui expliquent la rareté des emplois « favorables aux femmes ». Sans simplifier à l’excès, l’augmentation de l’offre de main-d’œuvre féminine s’explique en grande partie par la croissance des services qui permettent aux femmes de commercialiser leur travail et d’acheter sur les marchés des substituts à leur production domestique. Toutefois, les retards de réaffectation ou de transition vers l’industrialisation, qui sont en partie attribués à la faible productivité agricole, peuvent à leur tour expliquer la faible croissance des services, où la demande de main-d’œuvre féminine est relativement plus élevée. Ainsi, malgré l’augmentation du niveau d’éducation des femmes, l’offre de main-d’œuvre féminine ne suivra pas sans une croissance dynamique du secteur des services offrant aux femmes des possibilités d’emploi de meilleure qualité et des substituts à leur production domestique produits sur le marché. Cette thèse s’appuie sur la vaste littérature de la nouvelle économie des ménages et sur la croissance et la transformation structurelle, en essayant d’aborder la question de la faible offre de travail féminin au Maroc. Elle tente d’élargir le champ des connaissances existantes sur cette question. Tout d’abord, elle examine la contribution du travail rémunéré et non rémunéré à l’économie en mettant en évidence les dividendes démographiques et de genre. Les compromis entre les marchés des ménages et les marchés du travail constituent un domaine d’analyse privilégié. Deuxièmement, elle fournit un examen empirique du modèle d’offre collective de travail et du rôle de la négociation intra-ménage entre les conjoints. En outre, elle examine le rôle des politiques positives en matière de genre dans l’équilibre du pouvoir de négociation au sein du ménage et leur incidence sur l’offre de travail des femmes.